Les pressions se font de plus en plus fortes sur le gouvernement du Québec pour qu’il mette en place un processus permettant de déposer une demande anticipée d’aide médicale à mourir (AMM). C’est la consultation lancée ces derniers mois par la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie (LCSFV) qui a permis entre autres au Collège des médecins du Québec, à l’Ordre des psychologues du Québec et à la Commission sur les soins de fin de vie (CSFV) de défendre cette position.
Dans un mémoire déposé en mai 2021, le Collège des médecins recommande d’autoriser les demandes d’AMM anticipées à un stade d’évolution précis et prédéterminé d’un trouble neurocognitif majeur (TNCM) portant atteinte aux valeurs et à la dignité du patient. Il est possible selon lui d’encadrer et de baliser une telle avenue par divers moyens (période de réflexion, formalisme de la demande, pleine connaissance de l’évolution et des alternatives offertes, reconfirmation périodique, prédétermination du moment, nomination d’un mandataire, etc.).
Pour les deux ordres et la Commission, cette question concerne les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif majeur comme la maladie d’Alzheimer et qui appréhendent les conséquences de pertes cognitives sur leurs relations avec leur famille et leurs proches comme, par exemple, ne plus pouvoir reconnaître leurs enfants. Cependant, l’Ordre des psychologues précise dans son mémoire déposé à la même commission que l’avenir ne se réalise pas nécessairement tel qu’anticipé et pose une question difficile :
« Certaines personnes dans les derniers stades d’un TNCM peuvent se montrer souriantes, voire joviales, et montrer une absence de souffrance, et ce, malgré des pertes considérables. Dans ce cas, au moment de procéder à l’AMM, devrait-on respecter la demande anticipée ou plutôt fonder la décision sur le critère de la souffrance perceptible et refuser l’AMM ? »
La question devient donc : une demande anticipée d’AMM serait-elle exécutoire comme le sont les directives médicales anticipées (DMA) ? Les DMA permettent aux personnes qui anticipent une perte d’aptitude de refuser cinq types de soins dans l’éventualité où ceux-ci seraient requis : la réanimation cardiorespiratoire, les traitements de dialyse, la ventilation artificielle, l’hydratation et l’alimentation artificielle. Les DMA ont un caractère exécutoire au sens de la loi, l’équipe soignante devant respecter les volontés exprimées par la personne.
Si la demande anticipée d’AMM n’est pas exécutoire, demande l’Ordre, qu’advient-il alors du respect des dernières volontés de la personne quant à sa dignité et à ses valeurs ? Si cependant elle est exécutoire, pousse encore plus loin le mémoire, « qu’en est-il si, ne comprenant pas ce qui lui arrive, la personne refuse l’AMM ? Faudrait-il la contraindre de force (…) ? Comment l’AMM serait alors vécue par les proches et l’équipe soignante si au moment de l’administrer la personne ne montre pas de signes de souffrances perceptibles et ne comprend pas ce qui lui arrive ? »
Pour l’Ordre, deux droits fondamentaux sont à considérer dans le cadre d’une demande anticipée d’AMM, soit le consentement aux soins et le droit à l’autodétermination. Prenant exemple sur le rôle du notaire dans l’établissement d’un mandat d’inaptitude, où il « aborde avec la personne tous les cas de figure possibles afin de lui permettre de faire des choix éclairés sur la gestion et la protection de son patrimoine et de sa personne », l’OPQ recommande « que toutes les personnes qui envisagent de faire une telle demande consultent un professionnel apte à les guider ». Il recommande notamment « que soient soulevées auprès de la personne faisant la demande anticipée d’AMM minimalement les questions suivantes : Que faire dans l’éventualité où la souffrance perceptible n’est pas présente au moment de l’administration de l’AMM ? Que faire si elle s’oppose à l’AMM au moment de son administration ? ».