Le livre L’aide médicale à bien mourir — les grands enjeux m’a travaillé tout l’été. Lire sur la fin de vie pendant plus d’un gros mois, c’est faire un voyage qui laisse des traces. Parce que c’est lire sur la mort. Et la mort, qu’on le veuille ou non, n’est jamais inoffensive, même dans un livre. Il n’y a aucune sécurité quand on la côtoie jour après jour. Cette lecture m’a donc transformé. Je ne m’y attendais pas. Je me rends compte que ce forum sur la fin de vie que j’ai créé en juin dernier n’est pas anodin. L’animer l’est encore moins.
C’est la même chose pour vous qui y participez ou simplement lisez les commentaires. Le sujet n’est pas sans gravité, sans danger. Je ne peux accumuler les textes, lancer des questions, susciter des réponses comme si nous parlions de sport ou de littérature. La fin de vie est un sujet qui nous touche, qui nous rejoint dans une partie profonde de nous, qui est sensible et fragile. Probablement parce que nous sommes mortels, parce que nous savons que notre mort est inévitable, que nous devrons la traverser et, quoiqu’on en dise, nous ne connaissons rien d’elle et nous serons complètement seul.e.s quand ce sera notre tour.
Pour animer ce forum, je me suis donc attaqué à ce livre comme à n’importe quel autre, me disant qu’il fournirait de la matière à notre réflexion commune. Je me suis laissé travailler par lui sans m’en douter. Quelle ne fut pas ma surprise de sentir à deux occasions précises qu’il me pétrissait comme un potier avec sa motte de glaise. D’abord lors d’un rêve fort signifiant au cours de cette lecture et, après celle-ci, alors que je voulais me changer les idées en me jetant dans un bon roman, je me suis retrouvé sans m’y attendre plongé encore plus profondément dans le même sujet!
J’ai rêvé une nuit que je mourais d’une crise cardiaque en canot sur le lac Wapizagonke, en Mauricie. Pas étonnant, j’étais en vacances au bord de ce grand lac, qui pourrait facilement s’appeler le lac long, mais dont le nom signifie en langue innue « une espèce de canard très rare » ou encore « là où l’on trouve des pierres à aiguiser » [1]. Ce rêve fut vraiment une pierre qui m’a aiguisé. Je suis assis en arrière du canot et je m’écroule, raide mort. Mon amoureuse, en avant du canot au beau milieu du lac, lance un cri de mort, c’est le cas de le dire, ce n’est pas un jeu de mot. Elle réussit à se faire secourir et à me ramener sur la plage. Revirement de situation : c’est elle, morte, que je ramène sur la plage! Une baigneuse médecin vient confirmer le décès. Abasourdi par ce qui m’arrive, mais en possession de tous mes moyens, je sais ce qu’il faut faire pour accompagner ma douce dans son passage. Aidé par quelques personnes, je l’étends dans un coin tranquille de la plage. Je demande à mes petits- enfants d’aller chercher des fleurs sauvages, à l’un de mes fils d’apporter de l’eau pour lui laver le visage, à ma belle-fille d’aller chercher dans notre canot la robe que mon amoureuse revêt toujours après la baignade.
En contrôle de la situation, probablement grâce à l’adrénaline, mais surtout grâce à une profonde conviction qui me donne l’assurance nécessaire, je nettoie délicatement le sable de son visage, j’étends la robe sur son corps inerte, je fabrique un bouquet avec les fleurs des enfants et le place dans ses mains jointes puis, assis à côté d’elle, je la prends doucement dans mes bras et la berce. Je lui dis « Mon amour, ma chérie, tu es partie, mais tu es encore là, prends ton temps; tu racontes souvent que le Livre des Morts Tibétain dit que les morts ne savent pas qu’ils sont morts et qu’il faut le leur dire, alors je te le dis, tu es morte, mais encore un peu ici, n’aie pas peur, je suis avec toi ». Je lui répète ces mots en retenant difficilement mes larmes en attendant l’ambulance qui prendra une heure et demie à arriver.
C’est alors que je me rends compte que je ne rêve plus, mais que je suis éveillé et en pleurs, en pleine nuit, dans la tente, ma blonde qui dort calmement près de moi. Il me faut une bonne heure pour me remettre de ce songe étrange.
Pas si étrange, finalement, puisque je venais de lire plus de deux cents pages sur comment mourir dignement. Mourir dans la dignité, c’est être respecté et accompagné, c’est se sentir aimé immensément et inconditionnellement, peu importent les conditions du départ. Mon rêve me dit que je suis prêt à affronter la situation quand la mort se présentera pour ma blonde comme pour moi et mes proches.
Ce songe confirme le plus grand fruit que j’ai récolté en lisant L’aide médicale à bien mourir : la confiance en moi-même qui s’est affermie par rapport à mon attitude et mes gestes devant la fin de vie. Je sais que je saurai comment m’y prendre pour mourir dignement ou pour accompagner celles et ceux que j’aime dans leur dernier passage. Cette assurance me vient également de l’enseignement que j’ai tiré lorsque j’ai accompagné Jean-Pierre Papin dans sa fin de vie pendant l’été 2020 et lors de son décès en septembre. Il m’a enseigné comment les relations sont importantes et comment la volonté de se faire respecter peut faire la différence. (Plus de détails ici).
Quant au roman qui m’a pris par surprise, il s’agit de À train perdu, de Jocelyne Saucier. (Mon commentaire se trouve ici)
Le mot clé qui me reste, comme marqué au fer rouge, après la lecture du livre L’aide médicale à bien mourir est « Dignité ». En effet, Jean Desclos ne cesse tout au long des trois cent quarante pages de marteler son idée principale :
« Mourir dans la dignité, c’est mourir respecté dans sa liberté et mourir accompagné. » (Page 190)
Pour faciliter la lecture de mon commentaire sur ce livre, je l’ai divisé en sept textes :
1- Jean Desclos : un éthicien et un prêtre qui a changé de camp, suivant une méthode rigoureuse
2- Quatre morts « indignes », selon Jean Desclos
3- Mourir dans la dignité, selon Jean Desclos
4- « Seule la personne qui souffre sait » (Jean Desclos)
5- Liberté et conscience, selon Jean Desclos
6- L’enjeu spirituel, selon Jean Desclos
7- Rituel de fin de vie proposé par Jean Desclos
Chacun de ces textes est indépendant des autres. Vous pouvez donc les lire dans le désordre. Je vous invite à ajouter votre grain de sel si vous le désirez.
1- Mikinak, Guide pédagogique de sensibilisation, Conseil en éducation des Premières nations, p. 81
La décision de vivre ou mourir vers une fin de vie souhaitée par peur de vivre prend trop d'attention.
Après ma lecture du livre de Desclos.
Jean Desclos offre un texte fourni, clair et à la fois savant, puisque soutenu par sa large culture qui permet d’appuyer ses propos sur des références multiples qui sont autant de voix d’exploration plus approfondies suggérées au lecteur. Il structure ce matériau autour d’enjeux majeurs qui se présentent certainement à l’esprit de nombre de personnes qui demandent l’aide médicale à mourir, ainsi qu’à leurs proches et au personnel médical qui offre son soutien à une telle démarche. L’auteur donne une image de l’évolution de notre culture devant ce choix de fin de vie à partir de travaux philosophiques, sociologiques, éthiques, médicaux, psychologiques qui l’ont influencée. Il s’agit d’autant de « fenêtres » qui permettent de jeter un regard de diverses perspectives sur les questions qui peuvent survenir dans l’exercice de cette option dans le mourir. Quelle que soit la perspective dans laquelle il aborde les questions, il ne manque pas de rappeler que toute réflexion et toute action dans le soutien à cette option doit se subordonner au respect de la dignité de la personne, de son autonomie, de son droit de donner librement son point de vue et de choisir selon ses critères ce qui lui convient, ce qui nomme les fondements humanistes sur lesquels tout doit s’appuyer dans ce contexte. La structure du livre et la manière dont le matériau à la base des réflexions est présenté font qu’après une lecture exhaustive très éclairante, un lecteur pourrait en faire une sorte de vade mecum auquel il reviendra sans cesse au gré des questions qui se poseront à lui dans la pratique clinique ou dans un travail d’élaboration rationnel visant à encadrer cette pratique.
Il y a deux grandes sections dans ce livre. Dans la première section on trouve des données théoriques, des réflexions de l’auteur et d’autres qu’il cite, des exemples de situations qui en donnent des illustrations, ce qui ouvre souvent sur des explorations à poursuivre. Dans cette première section, la référence à Dieu peut facilement être entendue comme une voie supplémentaire de réflexion qui se juxtapose, si on le souhaite, à l’esprit humaniste qui sous-tend le texte. À partir du chapitre six cependant, on entre dans un tout autre monde où Jean Desclos reprend tous les thèmes et tous les enjeux qui précèdent sous l’éclairage de l’idéologie chrétienne, ce qui pour un non-croyant n’éclaire rien du tout. Aux yeux d’un non-croyant, on y perd même quelque chose de l’admirable élaboration culturelle au cours des dernières années, sans intervention hétéronome, de balises éthiques, relationnelles et médicales dans les soins respectueux et prévenants que nous savons désormais offrir à certains mourants. En effet, la convocation des diverses qualités de Dieu, jamais démontrées et à jamais indémontrables, pour montrer que l’aide médicale à mourir peut se faire dans un esprit de libération, dans un contexte de chaleur et de tendresse, dans un espoir de paix, dans une aura de sollicitude et de solidarité n’ajoute rien à ce qui se passe dans les milieux où l’aide médicale se pratique sans appel à la foi. Les croyants trouveront certainement dans ces chapitres un matériau précieux et très documenté pour étayer leur recherche d’un appui divin à leur démarche. Mais on n’y trouve rien qui donnerait au non-croyant l’impression qu’il s’agit là de la seule voie au bien mourir, malgré ce que laisse entendre le titre de l’ouvrage.
Merci @leaheyquebec Jean pour ton commentaire sur mon commentaire! J’ai bien hâte de lire le tien après ta lecture du livre de Duclos. Sûrement que ton regard ses différent du mien sur certains points. je n’ai pas eu l’occasion d’étudier Spinoza encore. Pourrai-tu nous en dire davantage sur le bien et le mal? Il me semble que ça rejoint Nietzsche avec son « Par-delà bien et mal ».
Merci Marcel pour ton généreux résumé du livre de Jean Desclos. J’ai acheté ce livre et je le lirai avec d’autant plus de profit que tu nous as déjà informé des thèmes qu’il aborde et semé un questionnement qui ne pourra que s’approfondir plus facilement que si on découvrait ses énoncés dans une première lecture. Je suis déjà rejoint par son affirmation que l’autonomie est une des principales sources de dignité, ce qui recoupe ma pensée. Je suis athée et je fais sans doute partie de « ceux et celles qui réagissent fortement au discours religieux, surtout chrétien ». Mais le ton des réflexions de Desclos que tu nous communiques dans ton résumé, me permettra sans doute de faire le tri entre ce que je mettrai de côté parce que c’est irrecevable pour moi (j’ai l’habitude!) et ce que je pourrai reformuler dans un langage humaniste (c’est très souvent possible). Tout dépend de comment c’est formulé au départ. Dans un autre projet sur lequel je travaille présentement, j’ai révisé hier les conceptions de Spinoza sur le développement dans la conscience des humains de la capacité d’identifier ce qui est bon pour soi ou mauvais pour soi, ce qui se situe au delà ou en marge des catégories « bien » ou « mal » selon lesquelles on jugerait par l’extérieur les comportements. Je le signale, pace qu’il me semble que cela peut enrichir la réflexion sur les choix des moyens de « bien mourir ». Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.
Il se peut bien que je lise ce livre de Jean Desclos "L'aide médicale à bien mourir. Les grands enjeux." lorsque je me pencherai sur ce que je veux vivre à la fin de ma vie et ce que je veux vivre si un de mes proches décèdent. Je trouve remarquable ton cheminement, Marcel, à travers la lecture que tu as faite de ce livre et ce songe troublant et beau que tu as fait, et son impact sur ton regard sur la fin de ta vie et sur la fin de vie comme telle. Merci de l'avoir partagé.
7- RITUEL DE FIN DE VIE PROPOSÉ PAR JEAN DESCLOS
Le prêtre Desclos se permet d’ajouter en annexe de son livre L’aide médicale à bien mourir — les grands enjeux une « Proposition de rituel d’à-Dieu » (Page 307) ce qui est une bonne idée vu le changement profond de paradigme dans lequel nous lance ce nouveau phénomène d’une mort programmée. Comme son titre l’indique, il s’agit d’un rituel conçu pour des croyants, ce qui est tout à fait légitime. La forme se rapproche donc des cérémonies catholiques composées principalement de textes lus à haute voix sur fond de musique douce, de lectures bibliques et de prières adressées à Dieu.
Le mérite de cette proposition est justement d’être proposée. Le fait de programmer le décès pour qu’il se passe en conscience et dans la sérénité offre l’opportunité de vivre le départ en communauté. Or, surtout nous, Québécois, habitués à peu de participation créative, voire à la passivité, dans les rituels catholiques et, pour les nouvelles générations presque complètement analphabètes en matière de rituels, le défi de ritualiser intelligemment et humainement le départ d’un proche est immense.
Desclos gagnerait à étendre son ouverture d’esprit à la spiritualité laïque développée par de nombreuses personnes qui tentent de ritualiser les passages importants de la vie en dehors du contexte religieux. Le groupe Ho Rites de passage, par exemple, offre depuis trente ans différents ateliers sur « l’art du rituel » qui permettent de ne pas se lancer tête baissée dans la ritualisation de moments importants et potentiellement chargés d’émotions.
Ce sont les recherches et les expériences de ce groupe qui nous ont permis, par exemple, d’encadrer adéquatement le départ de Jean-Pierre Papin par une symbolique non religieuse, à sa demande, incluant la création d’un espace sacré protégé par un gardien du feu et du seuil, le dernier repas, l’expression d’une intention claire, le rappel ritualisé des temps forts de sa vie, la musique, le départ et le retour au monde des vivants. (Résilience et aide médicale à mourir : une expérience Signé Jean-Pierre p. 59 à 62)
6- L’ENJEU SPIRITUEL, SELON DESCLOS
L’honnêteté de Jean Desclos et sa transparence sur ses croyances chrétiennes dans son livre L’aide médicale à bien mourir — les grands enjeux lui font honneur : tout comme la vie, la mort est un don de Dieu, qui a créé les vivants mortels, les soins de fin de vie font aussi partie de son projet (Page 13), affirme-t-il, les humains bénéficient à la fois de la vie du Ressuscité et de la vie éternelle qui est le bonheur de partager la vie de Dieu (301), etc. Mais cette franchise risque malheureusement de repousser celles et ceux qui ne partagent pas ses croyances ou, pire, éprouvent un malaise particulier devant le christianisme.
Je dis « malheureusement » parce que le prêtre Desclos (…) en présentant la mort comme projet de Dieu (…) en associant Dieu à la mort de façon positive (… d’autant plus que) Jésus fut le guérisseur libérateur de la souffrance, soumet audacieusement l’idée qu’il est possible de voir dans ce Jésus guérisseur un indice de son désir de faire cesser les souffrances emprisonnantes chez les grands malades ». (272-273)
Aussi ne se gêne-t-il pas pour dénoncer « une certaine spiritualité doloriste » qui « présente la souffrance comme un chemin de sainteté (… et se réfère) à la souffrance amoureuse de Jésus le Crucifié, à ses enseignements sur la nécessité de mourir à soi-même et de prendre sa croix chaque jour ». Devant l’idéal de souffrance amoureuse proposé par Thérèse de l’Enfant-Jésus, il reconnaît qu’« il n’est pas donné à tout le monde de consentir à la souffrance et de vouloir imiter les souffrances du Christ », affirmant plutôt que « la souffrance n’est pas en soi une finalité de notre existence ». (274)
Quant au commandement « Tu ne tueras point », qui est à la source de la défense de la vie à tout prix et de la condamnation de l’aide médicale à mourir comme meurtre, il oppose entre autres l’accommodement que l’Église elle-même s’est donné au temps de l’Inquisition pour outrepasser cet interdit et tuer quiconque n’adoptait pas la foi chrétienne ou était jugé comme hérétique. (302) Il rappelle que Jésus lui-même, par sa fameuse formule « c’est le sabbat qui est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat » n’hésitait pas à transgresser la loi pour guérir un malade le jour du sabbat. (288) Aussi en profite-t-il pour interpeller l’Église qui « dans ses positions morales, a laissé une forte impression de rigidité et d’adorateur des principes, mais peu soucieux de respecter vraiment le vécu concret des personnes avec leurs limites ». Il s’appuie sur le pape François lui-même, qui « a pris position de façon audacieuse sur la morale du mariage chrétien (…) en fustigeant une approche rigide et sans compassion ». (288)
Selon l’enseignement chrétien, insiste-t-il, il y a pire que la mort physique : « la mort la plus tragique, c’est la mort spirituelle, ou la perte de la bienheureuse communion avec Dieu. Quiconque s’éloigne du bien, du juste et du vrai glisse dans la noirceur du mal et rompt les liens avec son bienfaiteur divin. C’est là l’essence du message biblique, qui s’applique à ramener le cœur des humains dans la connaissance sincère de Dieu et un amour inconditionnel de leurs semblables, dans une permanente conversion à l’amour. » (249)
Mais aussi affirmatif que soit Desclos sur ses croyances, il faut lui reconnaître une ouverture d’esprit que gagneraient à adopter celles et ceux qui s’enferment dans une « conviction close », tant chrétiens que non chrétiens et athées :
« De nombreux débats demeurent sans issue en raison d’une polarisation figée entre diverses manières de cheminer vers une vérité à partager. Ainsi, on distingue une approche de conviction close qui répète les mêmes affirmations en les protégeant du rempart de la certitude inattaquable. Ou bien une attitude d’indifférence, de retrait du débat, une sorte d’agnosticisme. Ou encore une recherche ouverte, imprégnée d’interrogations faisant place à un doute libérateur productif de sens. L’aide médicale à mourir doit être abordée avec une attitude intellectuelle en recherche de sens, comme c’est le cas pour d’autres questions éthiques complexes. Comme le signale K. Popper, il est impossible de prétendre à une certitude absolue : nous sommes des chercheurs de vérité, mais nous n’en sommes pas les détenteurs ». (285)
5- CONSCIENCE ET LIBERTÉ, SELON JEAN DESCLOS
C’est tout le problème de la conscience que soulève la loi sur l’aide médicale à mourir (AMM), traité lumineusement par Jean Desclos dans le cinquième chapitre, « En son âme et conscience », de son livre L’aide médicale à bien mourir — les grands enjeux. Il aborde ce sujet délicat sous l’angle de « l’affrontement entre le souci de respecter la vie et le devoir de respecter la conscience », tant celle de la personne malade qui fait ce choix que des soignants amenés à poser l’acte et des proches qui l’accompagnent. (Page 131)
Dans la même logique de son affirmation voulant que « seule la personne qui subit (la souffrance) la connaît vraiment en profondeur (12), l’auteur pousse plus loin en ajoutant que « seule la personne souffrante peut juger, par et pour elle-même, de l’issue à favoriser, continuer (…) de se battre ou (…) appeler au secours la médecine » pour se libérer du mal. (133) Soulignant avec justesse que « le critère de la conscience éclairée et du consentement libre est au cœur de la problématique de l’aide médicale à mourir » (138), l’auteur nous rappelle que « la conscience est essentiellement l’instrument de la liberté dans le concret de l’action. Elle est une activité de la raison pratique permettant de discerner ce qui est bien et ce qui est mal, et de soutenir la réalisation de la décision prise ». (149)
C’est d’ailleurs l’attitude que nous avons adoptée avec bonheur dans l’accompagnement de mon beau-frère Jean-Pierre Papin en décidant de respecter sa liberté de mourir comme il le désirait (voir le récit Résilience et aide médicale à mourir : une expérience Signé Jean-Pierre) et qui a mené à une mort digne dans le respect et l’amour.
Apportant de multiples nuances sur les notions de la conscience et de la liberté, il précise que les lois du Québec et du Canada sur l’aide médicale à mourir
« ne sont pas coercitives, en ce sens qu’elles ne commandent pas d’accomplir le geste d’aider à mourir : elles sont permissives, car elles libèrent de contraintes et d’interdits et laissent place au jugement des consciences singulières, qui ne sont pas obligées d’y recourir. Elles dépassent ainsi la tension loi/liberté, puisque leur principale visée est de favoriser l’exercice de la liberté à l’approche de la fin. L’éthique bien comprise n’est pas l’obéissance aveugle à un principe, à un ordre, à une loi, selon une logique déontologique stricte, mais l’adhésion intelligente au sens de la loi, en faisant une lecture adéquate des contextes et des situations singulières. » (155)
L’objection de conscience du personnel soignant est donc possible, surtout, précise Desclos, que « la responsabilité du médecin est immense dans l’aide médicale à mourir. C’est à lui qu’est confiée la décision finale ». (152) Il y a plus, cependant, que le système de croyances et la morale personnelle qui joue dans la décision du médecin : « Gérer un processus d’AMM exige une polyvalence et une sensibilité élevée. Les médecins n’ont pas été formés pour ça. Plusieurs avouent franchement leur incompétence, et on ne doit pas leur en tenir rigueur. » Quoiqu’il en soit, l’auteur rappelle que « la loi a préséance sur le jugement du professionnel, qui est au service d’une population pour laquelle la loi de l’aide médicale à mourir a été établie ». Énonçant les conditions permettant l’objection de conscience, il ajoute que « les lois sur l’aide médicale à mourir exigent que la personne qui en fait la demande possède une conscience en pleine santé sur le plan psychologique, qu’elle soit apte à prendre une décision issue d’une bonne information, sans être manipulée, et aussi, idéalement, en pleine lucidité. Il n’est donc pas question que l’aide médicale à mourir concerne un malade inconscient, sans son consentement explicitement exprimé. » (153) Mais prendre la décision de mourir n’est jamais simple, c’est déjà une souffrance, une mort dans la mort, prévient Desclos.
« Le candidat à la mort, comme tout vivant, cherche des appuis dans son entourage, sa famille, ses amis ou ses soignants. Car si chacun meurt seul, sa mort concerne un réseau de personnes qui lui sont liées et qui peuvent jouer un rôle dans la décision finale. Il est possible que l’entourage du malade cherche à le décourager de procéder à ce geste irréversible. Mais la conscience du malade prévaut, et toute conscience est celle d’une personne singulière, un « je » bien identifié ; le groupe doit plutôt favoriser et accompagner de son mieux le travail de discernement de la personne concernée. Cela peut se réaliser dans une conversation ouverte et respectueuse de la souffrance du malade. » (148)
4- « SEULE LA PERSONNE QUI SOUFFRE SAIT » (JEAN DESCLOS)
« La souffrance fait partie de la vie des vivants, et elle n’épargne aucune personne humaine. Cette souffrance est toujours singulière, difficilement communicable. Seule la personne qui la subit la connaît vraiment en profondeur et la vit dans la solitude intérieure de son être souffrant. » (Page 12)
Cette deuxième des dix idées clés qui forment la toile de fond du livre de Jean Desclos L’aide médicale à bien mourir — les grands enjeux est fondamentale dans cet ouvrage. En effet, l’auteur nous informe d’entrée de jeu que l’enjeu premier de l’aide médicale à mourir « est de venir au secours de personnes prisonnières de souffrances écrasantes et d’un mourir insupportable, pour lesquelles le recours à la nouvelle législation apporte une mort libératrice ». (10) Il décortique « la tragédie de la souffrance » dans son septième chapitre, La souffrance aux commandes de la vie, en tentant de répondre à la question « Jusqu’où les malades sont-ils tenus de subir la souffrance, ou de la combattre? ». (191)
Utilisant la formule « la douleur a son siège dans le corps que j’ai et n’annule pas automatiquement le bonheur ; la souffrance est dans le corps que je suis et fragilise radicalement le bonheur » (192), il nous introduit à la distinction profonde entre la douleur, qui est physique, et la souffrance, qui est « certes physique, mais surtout psychologique, sociale, existentielle ou spirituelle. Elle est toujours un malaise, un mal-être. Elle prend les noms de tristesse, insécurité, insatisfaction, impuissance, peur, déception, etc. » (Les soulignés [italiques] sont de l’auteur)
Pour faire face tant à la douleur qu’à la souffrance, il y a la médecine, qui, à titre de science exacte, ne tient pas compte de ce qui n’est pas mesurable, comme les forces spirituelles, mais Desclos nous invite à considérer la souffrance comme une « alliée de la vie, de la mort, de l’amour », rien de moins! (194) Si la guérison passe par un rééquilibrage des fonctions corporelles par la médecine, elle passe aussi par « un rééquilibrage du sens de la vie, en lutte contre l’absurde et le néant ; un rééquilibrage des relations interpersonnelles, pour faire la paix avec les autres ; un rééquilibrage de l’estime de soi, pour faire la paix avec soi-même. (…) la guérison intérieure demeure la plus importante à rechercher. » (198)
Mais la guérison physique peut ne pas être au rendez-vous et la personne doit alors envisager la mort et peut-être même l’appeler. C’est ici que prend tout son sens la mort dans la dignité, qui est « mourir respecté dans sa liberté et mourir accompagné. » (190) Accompagner une personne qui n’en peut plus de souffrir demande une grande compassion et ce, même si la souffrance est une « mauvaise alliée de la liberté (… elle) fait peur, davantage que la mort (…) elle affaiblit la capacité de comprendre et de discerner (… elle) embrouille tout ». (197)
La personne aux prises avec de grandes souffrances est seule à la connaître « vraiment en profondeur et la vit dans la solitude intérieure », insiste Desclos. Combien de personnes souffrantes ne sont pas vraiment écoutées tant par le personnel soignant que leurs proches qui, eux, savent!
« Si le spectre de la solitude et de l’abandon provoque la demande d’en finir au plus tôt, affirme-t-il, les proches et les soignants ont le devoir de tout faire pour soutenir le mourant dans sa préparation à la mort, autant que dans l’événement difficile de la mort elle-même. (…) Nous sommes incités à donner à l’éthique de la fin de vie les couleurs d’une totale gratuité, dans la solidarité avec les souffrants, quelles que soient leur religion ou leur origine ethnique. » (190) Les mots utilisés par Desclos empêchent toute tergiversation : le devoir de tout faire pour soutenir le mourant, une totale gratuité, dans la solidarité avec les souffrants.
C’est ici qu’entre en jeu ce que l’auteur nomme « l’éthique de la conversation. (…) Médecins, infirmières, familles et autres intervenants doivent pouvoir parler avec le malade ou parler entre eux du malade quand il est inconscient ou incapable. (… pour) permettre la prise de parole autour d’une décision à prendre, ou déjà prise, pour entretenir le sens de ce que nous accomplissons ». (177) Parler avec le malade, cela veut dire l’écouter profondément, parce que, rappelons-le, la personne aux prises avec de grandes souffrances est seule à les connaître en profondeur, d’autant plus que la grande souffrance est « difficilement communicable». C’est lui demander de préciser sa pensée, l’encourager à exprimer son ressenti, même si des difficultés d’élocution compliquent la communication. Le pire dans cette situation est de se sentir complètement seul.e et abandonné.e. L’éthique de la conversation s’attache à trouver et à dire le sens de ce qui arrive. Mourir dans la dignité, répète Desclos sur tous les tons dans cet ouvrage, c’est mourir d’une mort qui fait du sens pour la personne mourante, ses proches et le personnel soignant.
Qu’en est-il cependant des souffrances inadmissibles à l’aide médicale à mourir, qui, nous rappelle Desclos, est « del’ordre de l’exception pour des situations exceptionnelles »? (301) Il reconnaît que devant le « drame de l’Alzheimer », l’aide médicale à mourir est impuissante. Aussi, affirmant que « c’est bien le fonctionnement adéquat des capacités cognitives qui assure la qualité de vie de la personne », souligne-t-il le débat en cours dans la société sur la possibilité de faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir « avant de sombrer dans le dépérissement de ses facultés cognitives ». (156-157) Voir sur ce sujet les recommandations du Collège des médecins et de l’ordre des psychologues du Québec.
3- MOURIR DANS LA DIGNITÉ, SELON JEAN DESCLOS
Comment mourir dignement, selon le livre de Jean Desclos L’aide médicale à bien mourir — les grands enjeux ? Après avoir rappelé dans le deuxième chapitre l’important changement de paradigme imposé ces dernières décennies par l’évolution des soins associés à la fin de vie, il commente ces principaux soins (le refus de traitement par la personne malade, la cessation de traitement par l’équipe médicale et les proches, le traitement analgésique à double effet, la sédation palliative continue, les soins palliatifs), et conclue que seuls les « soins palliatifs » et, surtout, « l’aide médicale à mourir » ouvrent la voie vers le mourir dans la dignité, le « bien mourir » du titre du livre. (Les soulignés en caractères gras sont de l'auteur)
Cependant, précise-t-il, si « en soins palliatifs, on est entraîné à laisser partir les mourants » (Page 75), doit-on accéder à la demande si la personne traitée veut qu’on mette fin à sa vie ? La réponse de Desclos est claire :
L’aide médicale à mourir « apparaît comme une mesure raisonnable pour aller au-devant de la mort en l’accompagnant dans son travail (…) prend parti pour la conscience du malade souffrant et sa décision d’aller au-devant de la mort qui arrive (…) permet de gérer la fin dans l’accueil serein de la mort (…) par l’intensité d’amour reçu au cœur de la souffrance et de l’angoisse précédant la fin (…) met fin à une attente souvent insoutenable d’une mort qui ne vient pas (…) encadrée par des règles et des conditions strictes, elle exclut la possibilité d’un geste produit par un réflexe suicidaire improvisé. » (300-301)
Rappelant que les deux objectifs des soins palliatifs sont la qualité de la relation avec la personne malade (grande compassion, douceur et communication bienveillante) et la lutte contre la douleur, l’auteur met en lumière le problème de cohérence entre la finalité des soins palliatifs, qui n’ont pas comme objectif de procurer une aide directe à la mort, et celle de l’aide médicale à mourir. Cependant, il ne cache pas que « pour certains, les soins palliatifs représentent une forme d’acharnement subtil » et peuvent endormir la personne mourante sans son consentement par le recours à certaines sédations palliatives. Desclos, cohérent avec lui-même, se permet donc de mettre les points sur les « i » en rappelant que « l’enjeu social (se situe maintenant) dans le seul territoire de l’autonomie de la personne souffrante ». (74)
Avec ce bémol apporté aux soins palliatifs, il n’y a donc que l’aide médicale à mourir qui garantit selon lui un mourir dans la dignité parce que la volonté de la personne souffrante, exprimée en pleine conscience, est respectée.
Parmi les dix idées clés qui forment la toile de fond de tout ce livre, la troisième et la quatrième offrent une base solide à cette position :
« La liberté définit radicalement la personne humaine et sa dignité. (…) La liberté individuelle fait appel à un respect mutuel arbitré courageusement avec les autres libertés, en solidarité sociale proactive. »
« La vie est confiée à la responsabilité humaine : chaque personne se construit ou se détruit elle-même subtilement par ses choix quotidiens de vie ou de mort. » (12)
2- QUATRE MORTS NON DIGNES, SELON JEAN DESCLOS
Qu’est-ce que mourir dans la dignité ? demande Jean Desclos dans son livre L’aide médicale à bien mourir — les grands enjeux. Son sixième chapitre y répond d’une manière remarquable. Il affirme que « c’est l’autonomie qui est la source de la dignité, et non l’apparence, le succès de vie ou la richesse. Mourir dans la dignité implique un respect inconditionnel de la liberté de la personne, de sa capacité de guider elle-même sa destinée » (Page 168). Aussi, certaines façons de mourir ne conduisent pas à des morts dignes, selon lui :
Chercher à retarder la mort à tout prix, surtout par l’acharnement thérapeutique, qu’il fustige dans le quatrième chapitre, n’est pas une option parce que « Quand le traitement médical devient une fin en soi, l’être humain ne peut être que lésé, parce qu’il est alors finalement ignoré ». (113)
Laisser la mort naturelle faire son œuvre n’en est pas une non plus puisque cette attitude est « complice d’un malheur vécu dans une sorte de passivité et de non-intervention, en accueillant la maladie, la souffrance et la mort comme une fatalité divine sur laquelle nous n’avons pas de pouvoir » (173).
La mort subite, souvent saluée comme mort idéale, n’est pas une mort digne non plus. Si, selon Desclos, elle « fait l’économie de la souffrance physique, elle empêche toutefois la relation finale qui pourrait la rendre humainement recevable ». (175)
Le suicide, quant à lui, n’est pas plus acceptable éthiquement : « S’enlever la vie, c’est aussi l’enlever aux autres. Nul ne peut dire que sa vie lui appartient de façon solitaire et isolée » (106), lance-t-il, répondant sans le mentionner à la question « Ma vie m’appartient-elle ? » posée par Yves St-Arnaud dans Rendez-vous avec la mort (Liber, Montréal, 2020). La position de Desclos est cependant plus catégorique que celle de St-Arnaud : « Le suicide n’est pas seulement la destruction de sa propre vie, mais aussi celle de sa propre liberté. C’est le sujet capable de choix qui disparaît. Si le geste suicidaire est une réaction à l’absurde de l’existence, il est aussi un plongeon absurde dans la mort. C’est pourquoi les sociétés refusent de l’inclure dans les gestes porteurs de sens et d’humanité. » (110)
Dans un tout autre registre, je me permets d’ajouter deux citations tirées du dernier roman de Jocelyne Saucier, À train perdu, où l’héroïne est aux prises avec sa fille constamment suicidaire : On n’est pas destiné au suicide dès avant sa naissance. Le suicide n’est pas inscrit dans nos gènes. (84) Et, concernant l’obsession suicidaire de Lisana : « Il y a un sentiment de puissance à jongler ainsi avec sa vie ». (85)
Desclos appuie ses quatre affirmations sur la première des dix idées clés qui forment la toile de fond de tout son livre : « La vie et la mort sont des réalités inséparables, et la mort n’épargne aucune personne humaine. Elle n’est pas l’objet d’un choix, mais une fatalité incontournable. Il est donc illusoire de chercher à lui échapper, y compris par des procédés médico-scientifiques ambitionnant de stopper le vieillissement fatal. » (12)
Le point d’orge du premier chapitre est d’ailleurs particulièrement saisissant : face au couple inséparable vie/mort, nous sommes des « ignorants un peu aveugles », nous maîtrisons mal tant notre fonctionnement biologique, psychologique que social et « c’est pire pour la mort, que nous imaginons sans la connaître d’expérience. (…) L’aide médicale à mourir met à l’épreuve nos ignorances fondamentales sur ce que nous sommes profondément (… et) s’inscrit dans l’ambiguïté du couple vie/mort mis à mal par la souffrance (…) voilà pourquoi, tant sur le plan éthique que sous l’angle strictement religieux, il est périlleux de condamner sans précaution le geste d’aider quelqu’un à mourir ». (50)
1- JEAN DESCLOS : UN ÉTHICIEN ET UN PRÊTRE QUI A CHANGÉ DE CAMP, SUIVANT UNE MÉTHODE RIGOUREUSE
Le livre L’aide médicale à bien mourir — les grands enjeux fait un tour assez complet des principaux enjeux entourant l’aide médicale à mourir avec une méthode rigoureuse jusqu’à la fin. Méthode qui consiste à amorcer chaque chapitre par une appropriation des concepts et des contextes, puis en jetant différents regards inspirés de la sociologie, de l’anthropologie, de l’éthique et de la spiritualité. Son parcours en dix étapes permet de dégager dix idées clés pour « décoder de notre mieux les comportements et les décisions au cœur de la souffrance et à l’approche de la mort ». (Page 12) De plus, chacun des dix chapitres se termine par un « point d’orgue pour continuer la réflexion », à la manière du musicien qui peut ainsi prolonger une note à son gré.
Ce livre s’adresse surtout au personnel soignant et aux proches qui accompagnent une personne en fin de vie. Il vaut autant, cependant, pour chacun et chacune de nous qui allons un jour trépasser et désirons nous y préparer, surtout si nous voulons mourir dans la dignité.
Éthicien jouissant d’une certaine renommée au Québec, Jean Desclos nous informe dès le début de son ouvrage que sa position favorable à l’aide médicale à mourir est nouvelle. Affirmant dans son Avant-propos avoir longtemps milité pour « le refus radical de toute pratique ayant pour profil de provoquer la mort d’une personne souffrante », il admet avoir été ébranlé dans sa vie privée « par des scénarios de souffrances pénibles qui étirent le mourir ». (7) Les travaux de la commission parlementaire sur « mourir dans la dignité » l’ont aussi amené à faire le point sur sa pensée concernant les soins de fin de vie. De plus, il dit avoir été déstabilisé par la pandémie de la COVID-19 qui « a mis en lumière les fragilités de nos liens communautaires et de nos ambitions de promouvoir une réelle justice devant la mort ». Il présente donc en long et en large dans ce livre les réflexions qui l’ont amené à changer de camp en adoptant « une approche plus nuancée et marquée par une sensibilité au vécu singulier de chaque personne écrasée par une souffrance que seule la mort pourra soulager ». (7)
Jean Desclos n’est pas qu’éthicien, il est aussi prêtre, ce qui lui permet d’aborder tout aussi rigoureusement l’enjeu spirituel de l’aide médicale à mourir. Donnant l’heure juste sur la foi chrétienne moderne face à la mort, principalement dans les deux derniers chapitres, mais par petites pincées jetées un peu partout, il invite les croyants réfractaires à l’aide médicale à mourir à « réfléchir avec un regard neuf sur la mort, la grande sœur de la vie ». (272) Même s’il fait preuve de grande ouverture envers la diversité des croyances d’aujourd’hui, ceux et celles qui réagissent fortement au discours religieux, surtout chrétien, seront tentés malheureusement d’abandonner la lecture.
Malheureusement parce que ce livre fait vraiment le point sur les principaux enjeux soulevés par ce nouveau phénomène de l’aide médicale à mourir et milite clairement pour le respect inconditionnel de la personne souffrante qui choisit librement, en son âme et conscience, cette porte de sortie.